Raphoz Marie-Madeleine

Née à la fin des années 20, Marie-Madeleine Malavallon était l’épouse de Joseph Raphoz et la soeur aînée de Michel Malavallon.

Dessin de Marie-Claude Pérault

Ferney (Poème, 1988)

Je dois fermer les yeux

Pour qu’il puisse apparaître,

Et retrouver les lieux

Que je veux voir renaître.

J’ai devant moi Ferney,

De mes jeunes années,

Et j’ai quelques regrets

En voyant mon passé !

L’avenue des Marronniers

Me conduit à l’école.

Jeudi, jour de congé,

Je vais au chemin des Folles.

Le petit chemin d’Ouye

Reste mon préféré

Car il part en vadrouille

Avec moi dans les prés !

L’impasse des Soupirs

Tourne vers la fruitière.

Le chemin dit du Creux

Rejoint le cimetière.

La ruelle de l’Asile

M’effraie quand vient la nuit.

La vue est bien jolie,

Au chemin de Vessy.

Le sentier de la Brunette

Cahote à travers champs.

J’y cueille des noisettes

Dès l’été finissant.

Je garde la nostalgie

Du lieu-dit Les Marais

Qui étaient, m’a-t-on dit,

Un bienfait d’Arouet.

Aux Brotteaux j’aperçois

La fontaine Saint-Germain.

En revenant des bois,

Les chèvres y font le plein

D’une eau pure, argentée,

Qui vient du pré de la Tire

Où les grands peupliers

Se balancent et s’étirent.

Je revois les maisons

Saint-Pierre et Saint-Vincent

Avec tous leurs enfants

Marchant en rang d’oignons

Vêtus de tabliers

Tous à petits carreaux

Dont l’uniformité

Me glace encore le dos.

Je vois surgir la forge

Ou piaffent les chevaux.

J’ai au fond de la gorge

L’âcre fumée des sabots.

J’y vois rougir le feu

Et l’enclume chanter

Le nez contre le carreau

Je reste émerveillée !

J’entends venir le tram

Au son de sa clochette.

Peu après, le wattman

Crie: Ici on s’arrête!

Dans le jour déclinant

J’écoute tinter le glas

Qui annonce aux vivants

Un passage à trépas.

Je vois le grand verger

Derrière notre maison.

J’y compte les pommiers

Aux belles floraisons.

Je vois le grand sapin

Qui un jour est tombé

En bordure du jardin.

Ce jour-là, j’ai pleuré.

Je dois ouvrir les yeux

Pour que tout disparaisse.

S’effacent tous ces lieux,

S’estompe ma tristesse.

J’ai devant moi Ferney

Qui hélas a changé !

Et malgré mes regrets

Je sais qu’il faut l’aimer.

Marie-Madeleine Raphoz, 1er octobre 1988

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