Comment, quand et pourquoi et pourquoi sommes-nous passés, en un peu plus de huit siècles, de Fernai à Ferney-Voltaire ? L’ami Stéphane Fréchin a déniché un article publié le 17 avril 1878 et la réponse d’un lecteur, datée du lendemain, ce qui montre bien, soit dit en passant, qu’on n’a pas attendu les réseaux sociaux pour réagir au quart de tour.
17 avril 1878
Tandis que les Parisiens discutent la question de savoir qui présidera le centenaire de Voltaire, on écrit de Fernex à L’Estafette que les conseillers municipaux de cette petite ville demandent l’autorisation légale de lui donner le nom de Ferney-Voltaire, que l’Assemblée constituante lui avait décerné en 1790. Cela viderait définitivement une assez vieille querelle d’orthographe.
En 1125, d’après un acte transcrit en marge de la grande Bible de la Bibliothèque de Genève, le hameau avait nom Fernai; vers le XIIIe siècle, on écrivit Fernex, par analogie avec les noms des localités voisines, Saconnex, Gex, Collex, etc. En 1758, sous la plume de Voltaire, Fernex devint par euphonie Ferney, et il semblait, tant cette orthographe fut généralement adoptée, que ce fût dès lors chose réglée. Mais sous la seconde république, en 1850, le chef du bureau de poste modifia son timbre qui datait de 1792. Le nom de Voltaire y fut effacé et l’y disparut pour faire place de nouveau à l’x ; trompés par cette fantaisie d’un particulier, les dictionnaires écrivirent Fernex et la foule suivit le mot d’ordre des dictionnaires ; cependant à la mairie on resta fidèle à l’appellation de la Constituante de 1790, et à la Justice de paix on conserva au moins l’y, en sorte qu’il y a maintenant un receveur des postes à Fernex, un juge de paix à Ferney et un maire à Ferney-Voltaire.
Le Conseil municipal rappelle dans sa pétition que Ferney date en réalité de Voltaire. « C’est Voltaire, dit-il, qui l’a peuplé, qui a transformé ce hameau, habité par cinq communiers seulement, en un village florissant et industriel. Pour l’enrichir, il s’est fait courtier en horlogerie, y a tenté la culture de la garance, a desséché les marais, créé la fête de l’Oiseau, obtenu de l’administration une fontaine publique. Rejeter cet y, supprimer l’accolade de ces noms, d’ailleurs inséparables, ce serait renier le nom de celui dont la grande ombre, protégeant Ferney même après sa mort, l’a conservé l’a conservé à la France après 1815, après l’avoir de son mieux délivré des douaniers de la Ferme générale, obtenant la franchise du pays de Gex. »
18 avril 1878
AIN. — On nous écrit :
Est-il bien exact de prétendre, comme le fait le conseil municipal de Fernex dans sa pétition, que c’est Voltaire qui a peuplé cette localité. Il serait plus conforme à la vérité de dire que c’est lui qui l’a repeuplée.
Qu’il nous soit permis de rappeler les faits suivants : dès le moyen-âge, Fernex fut le centre d’une terre seigneuriale importante, qui appartint quelque temps aux comtes de Genève. Plus tard, au seizième et au dix-septième siècle, ce village, alors protestant, était un chef-lieu de paroisse. Il possédait un temple, un pasteur et un consistoire.
On était évidemment loin, ce moment, du hameau de Voltaire et de ses cinq communiers. Ce qu’il importe de ne point oublier, c’est que, en 1685, l’acte insensé de la révocation de l’édit de Nantes contraignit à l’expatriation les deux tiers des habitants du pays de Gex et changea, selon l’expression de Voltaire lui-même, cette contrée, précédemment florissante, en un vrai « désert. » Sans contester en aucune façon à l’illustre philosophe la part qui lui revient dans la prospérité actuelle de son ancienne résidence, nous tenons à constater qu’il a été non le créateur, mais le restaurateur de Fernex, en réparant habilement, au point de vue matériel du moins, le mal fait à cette localité par l’intolérance Louis XIV.
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