1000-2000 : de Frêna à Ferney-Voltaire

FranciaeFrêna ou Ferna (le pays du frêne) apparaît pour la première fois dans une bulle ecclésiastique en 941, et Fernex partagera jusqu’en 1760 la vie du Pays de Gex, riche en famines, en épidémies et en occupations. Trois dates marquent cette longue période : l’incendie des châteaux par les Bernois en 1536 (Fernex y échappe), le rattachement à la France (1601), enfin et surtout la désastreuse révocation de l’Edit de Nantes (1685) dans une région acquise aux idées de la Réforme et qui voit fondre sa modeste et misérable population ; les «de Fernex» eux-mêmes abandonnent leur seigneurie pour gagner les Pays-Bas où vivent encore leurs descendants.

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Dès son arrivée, Voltaire marque Ferney de son activité et de ses initiatives ; ces dernières furent si nombreuses et si variées dans le domaine matériel qu’elles n’aboutirent pas toutes à des résultats heureux, tels le port de Versoix ou les fabriques de bas et d’horlogerie.

Le bilan est toutefois largement positif, Ferney devenant, provisoirement «le centre du monde» (ce n’est pas nous qui le disons, mais les meilleurs historiens) et voyant sa population décupler en moins de vingt ans.

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Voltaire ne s’intéresse qu’à Ferney dont il fit une oeuvre si solide que la population de 1778 – 1200 habitants – ne subit plus, aucune variation pendant 150 ans, alors que, durant la même période, les autres communes de la région voyaient fondre le nombre de leurs habitants.

L’attention du philosophe ne se porte sur le Pays de Gex que deux ou trois ans avant sa mort, lorsque, ayant assuré la postérité de la petite ville dont il se targuait d’être le Patriarche, il obtint, au bénéfice de la contrée, une «désunion des fermes générales», c’est-à-dire la création de la Zone franche (27 février 1777), pour laquelle il se dépensa beaucoup, n’hésitant pas à engager son talent, sa renommée et une partie de sa fortune, qui était considérable.

Pour autant que le laissent entendre les documents dont nous disposons, la Révolution française ne surprit, guère les habitants de Ferney dont les contacts avec Genève avaient fait des républicains, plus proches de Desmoulins que de Robespierre.

Ils apprécièrent moins, semble-t-il, l’occupation de Genève par Napoléon et assistèrent, de très près, aux combats qui devaient libérer la ville voisine.

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L’administration avait fait de Ferney, dans le cadre des départements nouvellement créés, un chef-lieu de canton de l’Ain d’abord, du Léman ensuite. A la fin du Premier Empire, le canton se trouva amputé de cinq communes, dont Versoix, la seule par laquelle la France touchait au Léman (second Traité de Paris, 1816) et les bornes frontière, mises en place un peu plus tard, portaient, et portent encore, d’un côté la fleur de lys de Louis XVIII, de l’autre le «G» de la République de Genève, cette dernière n’étant pas encore un canton helvétique.

La France doit attendre ainsi le rattachement de la Savoie pour retrouver un accès aux rives du Léman.

Ferney, dont le Patriarche avait dès sa venue remplacé le «X» terminal qu’il jugeait barbare par un «Y», est devenu officiellement «Ferney-Voltaire» en 1905.

Passons rapidement sur les décennies suivantes, en rappelant cependant que quarante-huit hommes d’ici donnèrent leur vie à la France au cours de la première Guerre mondiale ; après le rétablissement de la zone que Poincaré, dans sa toute-puissance et dans une ignorance germanique des conventions, avait supprimée d’un trait de plume, Ferney, alors très agricole, connut une ère de prospérité jusqu’en 1939, puis traversa, sans d’ailleurs déchoir, dix années de léthargie.

borne-frontiere-suisseFerney-Voltaire présente aujourd’hui une curieuse situation géographique. La commune, assez petite, ne couvre que quatre cent soixante hectares et ne touche à la France que par trois kilomètres, alors qu’elle est limitrophe du canton de Genève sur neuf kilomètres. Elle est, avec Givet dans les Ardennes, la seule qui ait trois postes frontière, et même quatre si l’on cite l’accès à l’aéroport suisse de Cointrin.

Cet aéroport n’a pu s’agrandir, à partir de 1956, qu’en prolongeant sa piste principale sur le territoire de Ferney-Voltaire. Pour que cela soit possible, la France et la Suisse durent échanger des terrains et modifier les limites de Ferney-Voltaire.

L’aéroport de Genève-Cointrin, dont nos concitoyens utilisent de plus en plus les services et auquel on accède librement depuis Ferney-Voltaire par une route franche, ajoute pour les voyageurs ses avantages nouveaux et décisifs aux commodités traditionnelles de la plus proche des gares ferroviaires : celle de Genève-Cornavin.

Voilà Ferney-Voltaire, deux fois tirée du commun jadis par un écrivain qui ne vécut là que pour régner véritablement sur les esprits de l’Europe entière durant un quart de siècle, aujourd’hui par l’essor contagieux d’une ville tellement corsetée que son cosmopolitisme déborde jusque sur l’ancien domaine du Patriarche.

D’après Lucien Choudin, 1974

 

 

2 réflexions sur « 1000-2000 : de Frêna à Ferney-Voltaire »

  1. Bisous , intéressant l’article. Logent les centres d’études rends tous remerciants c’est fantastique d’habiter les lieux, de rencontrer tout ce monde et inviter tous les créateurs aux lieux pour les repas et échanger sur les lieux sur l’histoire et l’avenir . Un bonheur

  2. J’y suis allée . De bons souvenirs, imaginer les artistes dans les lieux à faire des représentations . Tous les amis à raconter des histoire et aider le village qui va regrouper des horlogers et artisans de toutes les sortes. Les gens aimaient se rencontrer pour des repas et accompagner l’artiste.

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