Grand’rue: pavés ou boulets ?

La Grand’rue et ses pavés, 2006

Avant d’être revêtue de pavés de granit, à la fin du XXe siècle, la Grand’rue avait longtemps été un ruban d’asphalte propice à une circulation automobile débridée et envahissante. Mais saviez-vous que, du temps de Voltaire, la Grand’rue avait déjà été pavée… de boulets mais pas forcément de bonnes intentions ?

A.D.

Au bas de la Grand’rue, le buste de Voltaire observe Ferney (photo A. Dhordain)

Voltaire était génial, c’est entendu. Mais avec lui, rien n’était jamais simple. En 1774, le premier pavage des rues de Ferney donna lieu à quelques péripétie plutôt cocasses.

Ce fut Léonard Racle, le propre architecte de Voltaire, qui se vit confier la responsabilité de cette entreprise. La pierre étant, comme on le sait, fort rare dans cette contrée au sol argileux, celui-ci embaucha des manoeuvres pour ramasser une trentaine de voitures (*) de boulets sur des terrains appartenant à un certain François Barbier, laboureur à Magny.

Or, ce que Racle ne pouvait ignorer, c’est que ce Barbier se trouvait être le fermier de Charles de Brosses, Président du Parlement de Bourgogne, avec lequel Voltaire avait eu de multiples démêlés après qu’il lui eut loué, à vie, le château de Tournay.

Ayant laissé faire cette collecte de galets sans broncher, l’agriculteur les fit bientôt reprendre en totalité, sous prétexte que son maître en avait besoin pour paver la cour de sa ferme. Plainte fut aussitôt déposée par Racle, évidemment soutenu par Voltaire, d’abord auprès de Louis-Gaspard  Fabry, le Subdélégué de Gex, puis, très vite, auprès d’Antoine-Jean Amelot, Intendant de la province de Bourgogne, à Dijon.

Finalement, Barbier fut condamné à restituer l’ensemble des matériaux et à verser, en outre, cinquante livres d’amende au profit de l’hôpital de Gex. On dut toutefois lui accorder deux mois de délai pour exécuter la première partie de la peine car, entretemps, il avait réussi à vendre la presque totalité des pierres à François Dunoyer, l’un des maîtres-maçons de Ferney…

Bruno Racle

(*) Chaque voiture ayant, d’après les actes de l’époque, une charge d’une toise-cube, on peut estimer que l’ensemble des trente voitures représentait le volume assez considérable de 60 mètres-cubes de nos mesures actuelles.

Extrait de la revue « Ferney que j’aime »

Avant les travaux de pavage et la fermeture partielle du trafic automobile, la Grand’rue prenait chaque jour des allures cauchemardesques.
Pendant les travaux de pavage de la Grand’rue (fin du XXe siècle)

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