Voltaire, premier Ferneysien du monde

Par une chaude journée d’automne de l’année 1758, un carrosse venant des « Délices » passe noblement au milieu des villageois de Ferney venus assister au spectacle : dans une voiture semée d’étoiles sur fond bleu céleste, Monsieur de Voltaire accompagné de sa nièce fait une entrée remarquée…*

L’homme qui entre ainsi dans le village et dans l’histoire de Ferney est déjà riche et célèbre mais c’est un paria. Depuis son embastillement et sa fuite de Paris, son premier exil en Angleterre, son bref passage par La Haye, sa longue idylle avec Madame du Chatelet à Cirey, son séjour mouvementé à la Cour du roi de Prusse, sa brutale arrestation à Francfort et même ses ennuis avec les pasteurs genevois, Voltaire s’est toujours senti en danger.

Dans ce château de Fernex qu’il acquiert à l’âge de 64 ans au nom de Madame Denis, sa nièce et maîtresse, il aspire à réaliser ses trois passions : le théâtre, le jardinage et la liberté. Durant les vingt années qu’il lui reste à vivre, il fera beaucoup, pour Ferney et pour l’humanité. Oui, l’homme qui descend ce jour-là de son inénarrable carrosse est sans conteste le premier Ferneysien du monde. Le socle de sa statue par Emile Lambert, inaugurée le 27 juillet 1890, relate tout ce que la Patriarche a apporté à Ferney où il a « fait construire plus de cent maisons ; donné à la ville une église, un hôpital, le réservoir et la fontaine ; prêté de l’argent sans intérêts aux communes environnantes ; fait dessécher les marais du pays ».

Anticlérical mais déiste, il a consacré toute sa vie à combattre l’injustice, l’obscurantisme, l’intolérance religieuse, et à promouvoir les Lumières. À son arrivée à Ferney, il a déjà publié, parfois à ses risques et périls, les Lettres philosophiques, l’Essai sur les mœurs et ses premiers contes philosophiques (Zadig, Micromégas) mais c’est à Ferney que sera publié en 1759 le plus célèbre d’entre eux, Candide, rédigé aux Délices l’année précédente.

Après un combat de près de trois ans, Voltaire obtient la réhabilitation de Jean Calas, un marchand protestant de Toulouse, condamné et supplicié pour un crime qu’il n’avait pas commis. Son Dictionnaire philosophique (1764) en porte témoignage.

Le 5 février 1778, Voltaire quitte Ferney pour Paris, avec la ferme intention de revenir. Les Parisiens lui font un triomphe mais la maladie le rattrape. Il y meurt le 30 mai 1778. La dépouille de cet homme illustre, vénéré mais impie, est discrètement emportée de nuit vers une abbaye de Bourgogne tandis qu’en 1791, la France révolutionnaire l’accueillera en grande pompe au Panthéon, où nombre de Ferneysiens iront lui rendre visite et hommage, en souvenir des vingt années passées à Ferney.

* Monique Bory, Voltaire chez lui, éditions Skira 1994.

Légendes :

L’arrivée de Voltaire dans son carrosse bleu (illustration de Jean-François Barbier, Voltaire, La Joie de Lire). Voltaire sur ses terres (Jean Huber). Voltaire au quotidien (croquis de Jean Huber).

Exposition du 9 octobre au 3 novembre 2023 à la Mairie de Ferney-Voltaire (lun-ven)

Livres disponibles à l’exposition mercredi et jeudi après-midi ainsi qu’à la Librairie du Centre et auprès de notre secrétariat : info@ferney-en-memoire.fr